C'est en Octobre 1986 que Byrne, dans la mini-série THE MAN OF STEEL, recrée Superman. Cette démarche est une aberration. On passe un coup de balai sur un demi siècle de publication comme si rien n'avait existé. L'ancien Superman n'habite pas un univers parallèle, comme ce fut le cas lors du passage de Terre II à Terre I, ce n'est pas non plus le même personnage dont on découvrirait des aspects inconnus, comme lorsque Miller transfigura Daredevil. L'ancien Superman n'a jamais existé. Il compte pour du beurre. Le fait que Superman côtoie Batman, Flash et tous ses copains de la JLA, qui fréquentaient l'ancien Superman, n'a pas d'importance. Il ne fait que ruiner toute la continuité de l'univers DC. D'ailleurs beaucoup d'entre eux subissent un lifting du même genre. Tant qu'à faire. John Byrne refit le même coup à Marvel, quelques années plus tard, avec Chapter One. Mais le meurtre de Spider-Man échoua. Les changements étaient trop insignifiants pour remettre en question l'identité du personnage. Ils ont introduit quelques contradictions entre anciens et nouveaux épisodes, (on a connu pire sans que ce fut volontaire.) puis ils sont tombés dans l'oubli. Les changements dans Superman, en revanche sont fondamentaux et généralement malheureux. Tous, à commencer par la spectaculaire diminution de ses pouvoirs, sont orientés dans le même sens, désenchanter Superman, lui enlever tout ce qui le distinguait des autres super-héros, le rendre plus prosaïque. Le monde merveilleux de Krypton n'est plus, désormais, qu'une planète sinistre, cauchemar pour écologiste et dénué du moindre phénomène ou spécimen remarquable. Krypton est anéantie beaucoup plus par sa nouvelle création que par sa nouvelle destruction. Le peu qui a survécu de la planète, une technologie autonome, sinistre et meurtrière viendra à plusieurs reprises menacer la Terre. Et si Superman lui même est toujours le héros irréprochable d'autrefois, on ne craindra pas de nous expliquer que c'est grâce à son éducation terrienne. (On ne nous précise pas de quelle planète sont donc venus Staline, Hitler et compagnie.) Superman n'a plus d'identité secrète. Plus exactement personne ne soupçonne qu'il en ait une et ne cherche donc à la connaître. Ce thème qui fut le ressort de plus d'aventures qu'aucun des grands adversaires de Superman et qui donnait tout son poivre au caractère de Lois Lane est passé aux oubliettes, tout simplement. Juste pour ne pas dire que je suis un râleur, voyons tout de même un changement productif. Superman et BATMAN qui ont vécu ensemble des centaines d'aventures sans qu'auteurs ni lecteurs ne s'inquiètent de ce qui pouvait bien réunir deux êtres aussi disparates se rencontrent à nouveau pour la première fois. Ne se connaissant pas, ils se découvrent tels qu'ils sont. Superman représente la Morale et le Droit. De son point de vue, Batman est un hors la loi qui cherche à se faire justice lui même. Si l'hostilité restera très limitée du fait de l'appartenance des deux vedettes à une même équipe, la JLA, une des plus grosse ventes de DC, leur antagonisme sera remis en valeur notamment par Frank Miller dans Dark Knight où s'affrontent les deux anciens meilleurs amis, pardon, les deux hommes qui auraient pu être les meilleurs amis, dans une autre réalité. Saluons également, en passant, le coup de génie de Superman V2 11, dans lequel Byrne, sans avoir l'air d'y toucher, nous autorise à imaginer que Mr Mxyzptlk pourrait être... le Beyonder, le Dieu de l'univers Marvel Le nouveau Lex Luthor, imaginé par Marv Wolfman, est également intéressant. On peut regretter qu'il ait perdu l'ambivalence du Luthor de Terre I, qui montrait des côtés humains, mais il ne s'agit pas d'un retour au stéréotype vide des années 40. Le nouveau Luthor est plus proche du Kingpin / Caïd de Marvel, machiavélique, plus crédible, délicieusement haïssable et d'autant plus dangereux qu'apparemment respectable. Je ne pense pas que Wolfman ait fait le rapprochement mais sa haine irrationnelle pour Superman est identique à celle de J Jonah Jameson pour Spider-Man.
Ce nouveau Superman est aussi un retour aux origines. De deux façons. En premier lieu, il balaie toutes les transformations de 1971, clark reporter T.V. etc. C'est aussi bien. Malheureusement les personnages créés après 71 disparaissent aussi, je pense à Captain Strong ou Valdemar. En second lieu, il affecte la personnalité de Superman. Dans les années 60, il était devenu un super boy scout. Certes les héros d'alors n'avaient pas une mitraillette et une tête de mort sur la poitrine mais, même pour l'époque, Superman était le saint des comic books. Il passait plus de temps dans des représentations de charité qu'à lutter contre les méchants et il les combattait par la non-violence. Par ailleurs, il était au service du monde et non d'une nation particulière. Le nouveau héros, même si il reste exemplaire comparé à nombre de ses collègues actuels est plus dur et plus américain. Dans le quatrième numéro du nouveau Adventures of Superman (soit le 427), il envahit de sa propre initiative un pays souverain présumé complice du terrorisme international et dans le suivant, il terrorise des gangsters. Dans les deux cas il le fait à contrecoeur mais Superman de Terre I aurait trouvé une autre solution. A travers le temps, la personnalité de Superman reste en phase avec l'évolution de l' esprit américain. Autres changements. Il n'y a pas eu de Superboy . Superman n'a acquis ses pouvoirs qu'à l'âge adulte. Son costume n'est pas indestructible. Jonathan et Martha Kent sont vivants. Jimmy Olsen est un minable, ou, en tout cas, est traité comme tel; comme dans les années 40, encore un retour aux origines. Une histoire d'amour se profile entre Superman et Wonder Woman , qui ne sera finalement jamais dévelopée à cause de l'évolution imprévue de la relation du héros avec Lois Lane (voire plus loin). |