Christophe Colomb a-t-il
réellement
découvert l'Amérique?


Question saugrenue! Qui pourrait en douter? Précisons. Que Colomb ait atteint l'Amérique, personne n'en doute, en effet. La question est: L'Amérique était elle bien inconnue avant le voyage de Colomb? Ou, pour la formuler autrement: Christophe Colomb ignorait il réellement, en partant, ce qu'il allait trouver à l'arrivée?

Au deuxième siècle avant J.C., dans la fameuse Géographie de Ptolémée on trouve une carte où figure déjà l'Amérique. Elle ne saute pas aux yeux car elle est reliée à l'Inde et à l'Afrique par une "terre inconnue" présumée à tort, qui transforme l'océan en mer intérieure. Mais Ibara Grasso a mis en évidence en 1970 l'homologie du contour de ce rivage mystérieux et de la côte sud américaine. Mieux: un fleuve et un village péruviens ont conservé le nom qu'ils portaient lorsqu' Alexandre les traversa. Ainsi la Terre de Cattigara des grecs et des romains était l'Amérique du Sud.

Il semble bien que les chinois l'aient fréquentée aussi, en 1850 les émigrés chinois arrivés au Pérou eurent la surprise d'y découvrir le village d'Etén dont la tribu parlait leur langue. Et plus au nord, il y avait la mystérieuse Fou-Sang. Son emplacement et la description des chinois corespondent à la Californie.
Plutarque, entre autres, parle du Grand Continent où se rendaient les Carthaginois. En suivant l'itinéraire qu'il leur prête où pensez vous que l'on arriverait? Gagné.

Il est fait allusion à l'Amérique, où si l'on préfère à un continent situé au même endroit qu'elle, dans l'un des textes anciens les plus lus de nos jours, le Timée de Platon. Mais personne n'y fait attention, un autre continent encore plus mystérieux lui vole la vedette. Que l'existence de l'Atlantide soit loin d'être avérée ne doit pas occulter la question de comment Platon savait qu'il y avait, au delà, un continent dont l'existence, elle, est indubitable.

Au moyen âge, tout cela est oublié. Pour tous, la terre est plate. Sauf pour LES VIKINGS.
En 986 Bjarni Herljufson découvre le Vinland, qui sera exploré par Leif Eriksson. Les expéditions se multiplient. Les vikings fondent des villages. Personne ne remet plus en cause aujourd'hui que le "pays du vin" de nos vikings fût l'Amérique du Nord.
Ce qui est moins connu, et moins reconnu, c'est que les vikings ont aussi débarqué en Amérique du Sud. Cela est attesté par des considérations linguistiques et toponymiques. Les conquistadores trouvèrent même une tribu d'indiens... blancs.

Ci contre: Leif Eriksson débarquant au Vinland.



1 Cattigara
Alexandre le Grand 325 avant J.C.
2 Etén
3 Fou-Sang?
Hoei Chin 499
4 le Vinland
Bjarni Herljufson 986
5 indices d'implantations vikings
6 Cuba, Haïti
Christophe Colomb 1492

Ce n'est pas tout. A partir du treizième siècle, les marins de Dieppe, ces normands, donc français mais descendants des vikings, font fortune en important un bois très précieux. Si l'on exclut la trop lointaine Indonésie, il n'y a qu'un endroit au monde où pousse l'arbre qui fournit ce trésor. Les dieppois en gardent farouchement le secret. Aujourd'hui, ce n'en est plus un. D'une part, ils l'ont révélé en 1503, d'autre part ce serait difficile puisque le pays, officiellement découvert en 1500, a été baptisé du nom du bois en question, le brésil.


Selon la légende populaire Christophe Colomb, en butte à la bêtise obscurantiste de ses contemporains qui croyaient que la Terre était plate, aurait eu raison contre tout le monde. Son expédition aurait à la fois démontré la sphéricité du monde et permis, par accident, la découverte de l'Amérique. Comme toutes les légendes populaires, celle ci est magnifique, édifiante et complètement fausse. En fait, c'est Colomb qui avait tort contre tout le monde. Les idées obscurantistes imposées par l'église au début du moyen âge étaient oubliées depuis longtemps et vous auriez fait rire un homme du quinzième siècle autant qu'un de nos contemporains en lui soutenant que la Terre était plate. On avait retrouvé les connaissances de l'antiquité et en particulier le calcul du diamètre de la Terre réalisé par Erastophène, le conservateur de la bibliothèque d'Alexandrie. Personne ne niait qu'en navigant assez longtemps vers l'ouest on finirait par arriver en Inde. D'ailleurs cela avait déjà été tenté par Diego de Teive en 1452. Plus d'une demi douzaine d'autres s'y essayèrent après lui et avant Colomb.
La différence entre Christophe Colomb et ses détracteurs, c'est que ceux ci avaient calculé la distance exacte qu'il faudrait parcourir pour cela, tandis que Colomb, par une suite abracadabrante d'erreurs injustifiables et toutes biaisées dans le même sens, en arrivait à situer la côte indienne quatre fois et demi moins loin et, avec une précision stupéfiante, très exactement là où se trouve celle de l'Amérique. C'est une chance, car sinon il serait mort de faim et de soif avec tout son équipage, comme tout le monde le lui prédisait. Mais était-ce vraiment une chance?

Christophe Colomb a passé dix ans à soumettre son projet d'expédition à toutes les têtes couronnées de l'ancien monde. Il a essuyé les refus successifs des rois du Portugal, d'Angleterre et de France. Ils sont conseillés par des érudits qui savent calculer une distance. Le 17 avril 1492, il plaide sa cause auprès d'Isabelle de Castille qui... le rejette, elle aussi. Une heure plus tard, elle envoie des cavaliers à ses trousses. On le ramène et il apprend que son projet est accepté. Qu'est ce qui a fait changer d'avis la Reine?

Est-il possible qu'aucun historien n'ait lu le journal de bord de Christophe Colomb? Sinon j'aimerais savoir comment ils concilient avec la thèse officielle la très étrange page du 25 Septembre 1492 où - alors qu'il navigue depuis longtemps déjà dans des eaux qu'aucun homme, nous demande-t-on de croire, n'avait jamais atteintes - Colomb estime avoir été dévié vers le nord-est par les courants... car il ne voit pas un groupe d'îles "qui figurent pourtant sur la carte "!



Amerigo Vespucci
Il ne faudrait pas croire que les mystères s'arrêtent en 1492. Il n'est plus étonnant qu'on parle de l'Amérique ou qu'on la trouve sur des cartes, puisque maintenant, tout le monde est d'accord, quelqu'un y est allé. Pas étonant? On commence tout de suite à parler de nouveau monde. Dès 1507, on le représente sur une carte bien détaché de l'Inde et on le baptise Amérique. Du prénom d'Amerigo Vespucci, le second navigateur -officiellement- à y avoir abordé, à qui on en atribue bientôt la découverte. Comment savait-on que ce n'était pas l'Inde?
Cette carte est d'ailleurs trop complète et trop exacte, tout comme certains croquis retrouvés dans les papiers personnels de Colomb. Qu'on connût le tracé des côtes suivies par Colomb, d'accord. Mais d'où connaissait on celui de l'Amérique du Sud?

Ce n'est pas seulement l'honneur de la découverte du nouveau monde que l'on se dispute, c'est aussi sa possession, en son nom autant qu'au nom de son souverain. A suposer qu'il ne fût pas si nouveau que cela, on se doute bien que nos explorateurs ne vont pas le faire remarquer. D'autres s'en chargent. A la mort de Colomb, le royaume intente un procés à son fils et héritier, Diego, pour lui retirer les droits sur l'Amérique au motif qu'elle avait déjà été découverte et que Christophe Colomb le savait. A l'époque, l'homme de la rue ne connait que Vespucci; c'est la biographie de Christophe Colomb, rédigée par Diego, qui engendrera sa légende. Dans ces conditions, le biographe peut-il être regardé comme impartial?


Avouez que les faits laissent beaucoup de place au doute...
et à l'imagination. Dans mon roman Le onzième manuscrit , je concilie le portrait, improbable quoique traditionnel, d'un Colomb partant à l'aventure, cher à nos livres d'histoire, et l'ensemble des faits présentés ci dessus. Mais ça, c'est une autre Histoire.

Page et texte © G. Courtial, reproduction interdite. Illustrations Colomb musée de Madrid; Eriksson et Vespucci Bibliothèque du Congrès .