Fallait il détruire Carthage?

Située à quelques km de l'actuelle Tunis, Carthage fut fondée par les phénicien en 814 avant JC. Elle connut au cours des siècles une expansion et une prospérité fantastiques qui en firent la tête d'un immense empire commercial. Les marins carthaginois, en digne descendants des phéniciens, ouvrirent de nouvelles routes. Ils auraient peut être même atteint l'Amérique. Carthage était aussi un foyer culturel comparable à Rome ou Athènes. La première guerre punique l'opposa aux grecs de -264 à -241. Carthage y perdit la Sicile. La seconde, -218 -201, qui la confronta aux romains lui coûta l'Espagne. Broutilles. La troisième guerre fut apocalyptique.

A maintes reprises, Massinissa avait annexé des villes et des territoires de l'empire Carthaginois. Chaque fois, Carthage, à qui Rome avait interdit de se battre, même pour se défendre, avait fait appel à l'arbitrage romain. Chaque fois, le sénat romain, après avoir laissé tout le temps au numide d'affermir sa conquête, avait envoyé une commission qui avait grondé le méchant garçon et lui avait interdit de pousser plus loin, mais jamais ne lui avait fait rendre le terrain déjà investi. Les romains méprisaient les carthaginois pour la docilité avec la quelle ils leur obéissaient. Ils s'indignaient de voir leur propre injustice ainsi acceptée. La dernière fois, Carthage se défendit. Mal lui en prit, car les numides lui infligèrent une sanglante défaite et car elle avait, ainsi, désobéi à Rome. Les romains étaient d'avis de regarder ailleurs et de laisser courir. Les autres romains, mais pas CATON.

Il entra au sénat avec une figue et en ressortit avec une flotte. Le discours de Caton, bien qu'on n'en connaisse pas les détails, a dû être un morceau d'anthologie. On sait qu'en guise de ponctuation, il répéta, entre deux arguments, un nombre incalculable de fois Il faut détruire Carthage. Pour les romains, Carthage était vieille et, surtout, Carthage était loin. "Voyez cette figue. - leur dit Caton. - N'est elle pas fraîche et appétissante?" Elle l'était, nul ne put en disconvenir. "Hé bien. Elle a été cueillie à Carthage." C'est ainsi la saveur d'un fruit qui décida du sort d'une civilisation.

Les carthaginois se soumirent avant l'arrivée de la flotte. On leur promit la paix, mais ils devaient remettre aux romains toutes leurs armes. Une fois qu'ils furent sans défense, on leur expliqua ce qu'on entendait, exactement, par paix. La paix, en effet, ne pourrait que régner, une fois Carthage détruite. Les romains s'étaient engagés dans l'expédition comme on part en vacances. Quatre-vingt milles volontaires, alors que quelques années plus tôt, il n'y avait pas âme qui vive pour aller faire la guerre en Espagne. Pensez donc, des carthaginois désarmés, ça allait être une promenade de santé, une semaine à la plage. Commencée en -149, la promenade de santé, se prolongea plus de trois ans et on ne compta pas les joyeux randonneurs qui y laissèrent leur vie. Les carthaginois se défendirent avec leurs ongles, avec les cheveux de leurs femmes, coupés pour donner des cordes aux arcs.

Carthage, donc, fut détruite. Non seulement hommes, femmes et enfants furent massacrés jusqu'au dernier, mais la ville même fut rasée, jusqu'à ce que, conformément aux ordre de Rome, il ne resta "plus une pierre sur une autre." On craignait apparemment que la civilisation carthaginoise pût renaître de la seule majesté de ses murs. Car ce sont des splendeur architecturales sans pareils qu'on a ainsi abattues. D'innombrables temples, des monuments, des palais, des bibliothèques pleines d'ouvrages rares ou uniques offerts aux flammes avides. Scipion, vainqueur pourtant, pleura sur les remparts déserts de la cité. L'historien Polybe, acteur et témoin des événements l'entendit réciter Homère. Il viendra le jour ou périra Ilion la sainte...

Revivez, au côté de Polybe, les derniers jours de Carthage et bien d'autres événements historiques. Comment? Avec mon roman Le onzième manuscrit.